— extrait du tome 4, chapitre 10, L’auberge des cultures
Ce passage est extrait du tome quatre, chapitre dix, de mon autobiographie.
Il se déroule au début de février 2010, durant ma dernière année en tant qu’étudiant en ingénierie à l’École de Chimie de Bordeaux. Lors d’un travaux pratiques sur les colloïdes, nous devions fabriquer du rouge à lèvres en laboratoire. Pendant cette séance, j’ai écouté une collègue française de mon groupe, qui partageait des anecdotes amusantes sur sa vie en Chine.
Quelques jours plus tard, alors que je faisais un TP de colloïdes avec Estelle et Jennifer, je les ai entendues discuter du stage à Shanghai proposé par L’Oréal. Estelle avait réussi à obtenir ce poste, très convoité par notre promotion. “Quel est ton secret pour avoir obtenu ce stage que tout le monde désirait ?” demandai-je en versant un mélange chaud de particules de pigment, de graisse et de cire d’abeille dans une seringue en plastique dont l’aiguille avait été retirée, posant la question d’une manière qui devait sans doute lui flatter l’ego. Estelle rayonna, partagée entre fierté et modestie : “Je ne sais pas, L’Oréal a probablement apprécié le fait que je parle chinois et que j’ai passé deux mois en Chine lors d’un échange scolaire au lycée, ce qui m’a permis de bien connaître le pays.” J’étais stupéfait en entendant cela ; Comme Estelle avait rejoint l’école un an après moi et que j’avais également pris une année de césure, je ne la connaissais pas jusqu’à très récemment, lorsque nous sommes entrés dans notre dernière année. Nous avions déjà travaillé ensemble sur deux ou trois TP, et elle ne m’avait jamais mentionné qu’elle parlait chinois ! Nous avions continué à communiquer en français, et elle n’avait pas tenté de me montrer son niveau de chinois. “Dans quel lycée étais-tu pour ton échange à Rennes ?” demandai-je. Estelle, concentrée sur le thermomètre de l’agitateur, répondit sans lever les yeux : “Jinan, tu connais cette ville ? Elle est surnommée ‘la ville de sources’.” J’ai eu du mal à croire ce que j’entendais, c’était vraiment trop de coïncidences. “Vous allez peut-être penser que je mens, mais je suis né à Jinan. Tu étais à quel lycée à Rennes ?” Estelle répondit : “Non, j’étais au lycée de Saint-Malo. J’ai fait ma classe préparatoire à Rennes.” J’exclamai : “C’est incroyable, j’étais également en prépa à Rennes, nous n’avions qu’un an d’écart, mais je ne t’ai jamais vue sur les listes des élèves des classes inférieures !” Estelle expliqua : “Tu étais dans une prépa affiliée au réseau Gay-Lussac à l’école de chimie de Rennes. Et je venais d’une classe préparatoire classique et j’ai intégré l’école de chimie de Bordeaux après avoir réussi les concours.” Je demandai : “Tu étais à Chateaubriand ?” Estelle acquiesça. Je connaissais cette classe préparatoire, la seule de Rennes pour les futurs ingénieurs, située au lycée Chateaubriand. Ce lycée était tout près du CROUS où je vivais à l’époque. En partant du bâtiment F, en traversant la résidence Mirabeau où Gérald habitait lors de sa dernière année à l’INSA, on arrivait directement en face du lycée Chateaubriand.
Le thème de notre TP ce jour-là était de mesurer l’impact de la concentration en particules de pigments solides sur la résistance mécanique des systèmes colloïdaux solides, un aspect important dans l’industrie cosmétique lors de la fabrication de rouges à lèvres. Nous avions donc commencé par fabriquer des rouges à lèvres dans le laboratoire. J’ai suggéré que nous donnions à chaque teinte de rouge à lèvres un nom romantique, et Estelle et Jennifer m’ont confié cette tâche. J’ai nommé les trois rouges à lèvres : “Rouge Rouille”, “Jaune Caca” et “Saucisse de Strasbourg” pour le rose. Jennifer a pris les rouges à lèvres refroidis pour mesurer leur dureté, leur ténacité et leur extensibilité à la machine. Pendant l’attente, j’ai posé une autre question à Estelle : “Où as-tu logé à Jinan, étais-tu en échange avec le lycée expérimental du Shandong ?” Estelle a répondu : “J’ai habité à l’Hôtel Shandong pendant un mois, mais j’ai étudié au lycée 1 de Jinan.” J’ai exprimé ma surprise : “L’Hôtel Shandong est à seulement deux ou trois kilomètres de chez mes parents. Il se pourrait que nous nous soyons croisés, car j’habitais à Jinan à l’époque. J’ai été scolarisé au lycée expérimental, qui est le meilleur lycée de Jinan. Comment se fait-il que tu sois allée au lycée 1 de Jinan ?” Estelle haussa les épaules et dit : “J’ai entendu parler de ton lycée. Le lycée de Saint-Malo envisage un jumelage avec ton lycée pour l’année prochaine. À l’époque, nous avons choisi le lycée 1 de Jinan parce que son nom était basé sur la ville et qu’il était numéroté un, ce qui correspond à nos habitudes en France. Les noms des écoles et des universités françaises sont également comme ça : Université de Rennes 1, Université de Rennes 2…” J’ai répondu en riant : “Comme TF1, France 2… le 1er arrondissement de Paris, le 2e… Chanel N°5, Chanel N°19. Les Français ont une certaine affection pour les numéros.” Estelle rit avec moi : “C’est bien résumé !” “Tu comptes donc rester en Chine après ton stage ?” demandai-je. Elle secoua la tête : “Après mon stage, je prévois de revenir en France pour poursuivre un doctorat en cosmétologie.” Juste à ce moment, notre professeur de colloïdes passa à côté et remarqua : “Les sujets de doctorat en cosmétique sont très compétitifs. Tu sais, tu pourrais très bien faire un doctorat en physique-chimie, chimie analytique ou chimie organique et ensuite te diriger vers l’industrie cosmétique. Si tu tiens vraiment à faire un doctorat en cosmétique, tu devrais regarder du côté de l’Université du Havre. Ils ont un excellent laboratoire de cosmétique là-bas.”