Cher lecteur français,
Ce récit propose de découvrir la richesse de la société française à travers une histoire structuré qui relie les multiples facettes de sa culture, de sa gastronomie et de ses traditions. Pour rendre ces éléments moins dispersés et leur donner une cohérence narrative, l’histoire suit un fil conducteur centré sur Cristina et les rumeurs complexes qui entourent nos relations. Ces rumeurs, et la lutte pour en comprendre la vérité, incarnent des thèmes universels tels que la croissance, le conflit, l’amitié, la trahison, la responsabilité, la tromperie, le courage, la confiance etc. Faisant de ce fil un choix idéal pour structurer une œuvre d’envergure.
Cependant, lorsque je partage avec mes lecteurs français un extrait consacré à la gastronomie française, certains aspects liés aux rumeurs entre Cristina et moi, qui structurent l’ensemble du récit, pourraient sembler flous sans le contexte complet. Cette partie, intitulée Des missives pour chasser les ténèbres, représente un fragment clé du fil conducteur de l’ouvrage. Si vous préférez suivre une progression narrative plus fluide et éviter toute confusion, vous pouvez choisir de mettre ce passage de côté pour l’instant et de la lire plus tard, une fois que d’autres chapitres auront été publiés.
Dans les lignes qui suivent, je vais brièvement présenter les éléments de la trame principale dans les chapitres précédents et suivants :
Cristina et moi étions camarades en classe préparatoire à l’École de chimie de Rennes. À une époque où je traversais des moments difficiles après mon arrivée en France, elle m’a apporté beaucoup d’aide et de soutien, ce dont je lui suis profondément reconnaissant.
Cependant, un camarade chinois de la prépa, que nous surnommions Big Ben en raison de son caractère envieux et de son besoin constant de se comparer aux autres, a convaincu Cristina que ma gentillesse envers elle n’avait pour seul objectif que de prendre des photos avec elle et de les utiliser pour me vanter auprès des autres Chinois d’avoir une petite amie européenne. (À l’époque, nous n’avions que 19 ans, et cette manière de penser était typique des adolescents. Les adultes, eux, ne se soucient pas de ce genre de choses.)
Dans ma jeunesse, l’honnêteté était une valeur que je défendais avec ferveur, et je ne supportais pas l’idée que l’on puisse croire que mes paroles n’étaient pas en accord avec la réalité. Par ailleurs, mon attachement profond à des principes patriotiques m’interdisait de dénoncer à une Européenne les mensonges d’un compatriote chinois. J’ai donc choisi de garder mes distances avec Cristina, dissimulant en moi toute la reconnaissance que je lui portais.
Plus tard, pendant mon cycle ingénieur à Bordeaux, Cristina et la plupart de nos anciens camarades de prépa sont partis à Strasbourg. J’ai entendu dire par Alex, un ami roumain de Strasbourg, que mes anciens camarades de classe pensaient que je m’étais vanté auprès des Bordelais en prétendant que Cristina était ma petite amie. (Des années plus tard, j’ai découvert qu’Alex mentait.) Pour protéger ma réputation, j’ai coupé tout contact avec Cristina, ainsi qu’avec tous mes anciens amis de la prépa.
À Bordeaux, mes camarades m’ont intégré comme si j’étais l’un des leurs, sans me traiter comme un étranger. Avec le recul, cette expérience a été une véritable richesse. Pourtant, à cette époque, je ressentais souvent une profonde nostalgie pour la bienveillance et les gestes d’attention que mes anciens camarades de prépa m’avaient accordés lorsque j’étais encore perçu comme un étranger à leurs yeux.
Pendant ce temps, Cristina n’a cessé d’essayer de renouer le contact avec moi, et même sa meilleure amie m’a reproché d’avoir trahi l’amitié que nous avions partagée, ce qui m’a plongé dans un profond dilemme moral.
C’est dans ce contexte que Cristina et moi avons repris contact par téléphone après deux années de silence. Cependant, avant même que nous puissions nous revoir, nos chemins se sont à nouveau séparés à cause de nos stages de deuxième année d’ingénieur, qui nous ont conduits dans deux pays différents, la France et l’Espagne. Les échanges sont alors devenus extrêmement difficiles. Pendant ce temps, Alex, le Roumain, n’a cessé d’attiser ma peur des critiques des anciens camarades de Strasbourg, qui me considéraient comme un menteur. À cette époque, je croyais fermement que si je gagnais une réputation de menteur, je ne pourrais jamais trouver de travail. Cela a renforcé en moi un sentiment d’urgence pour clarifier les rumeurs.
À l’ère actuelle, quelqu’un dans la même situation que moi publierait probablement une déclaration sur les réseaux sociaux. Mais en 2008, il était encore difficile d’avoir accès à Internet. C’est pourquoi, dans ce récit, je décris en détail la révolution des communications entre 2004 et 2012, depuis l’invention de Skype et de Facebook jusqu’à l’arrivée de l’iPhone et de l’Internet mobile. De nombreux conflits violents dans ce livre trouvent leur origine dans l’absence de ces outils de communication à l’époque.
Alex m’a convaincu que tenter de prouver mon honnêteté auprès des anciens camarades de prépa serait inutile et que seul le témoignage de Cristina pourrait les persuader de ma sincérité. Cependant, les limitations technologiques de l’époque rendaient impossible d’aborder ce sujet avec Cristina par appel vocal ou vidéo à distance. Dans le chapitre précédent, Cristina m’a encouragé à lui ouvrir mon cœur, et beaucoup de personnes concernées par cette affaire m’ont conseillé de trouver un moyen de la rencontrer en personne. C’est ainsi qu’émerge l’élément clé de cette partie : l’invitation de Cristina à venir à Lyon.
Le contexte présenté ci-dessus aide les lecteurs à comprendre la logique de mes réactions dans cette partie. Par exemple, j’avais tendance à interpréter les réponses de Cristina comme des provocations ou du mépris, et à lui reprocher violemment de me considérer comme un menteur dans son cœur tout en me traitant avec une fausse bienveillance. Ce n’est que des années plus tard que j’ai découvert qu’Alex, pendant cette période, parlait simultanément avec Cristina et moi, semant volontairement des malentendus et nourrissant une aversion mutuelle entre nous.
Dans la première tome de ce récit, les lecteurs peuvent découvrir que moi, Alex et Cristina nous percevions comme des frères et sœurs, liés par une solidarité indéfectible. C’est pourquoi Cristina et moi avions une confiance absolue en Alex. Ce fil narratif explore un thème classique : l’amitié, la fraternité et la trahison.
3.6.4
C’est dans ce vide insupportable, presque aliénant, que j’ai commencé à écrire une lettre pour inviter Cristina à venir à Lyon. De nombreuses années plus tard, en y repensant, je me dis que ce n’était peut-être pas une décision très rationnelle dans une période aussi particulière. En l’absence de stimulations extérieures pour détourner mon attention, toute l’intensité et l’obsession que j’avais refoulées depuis notre séparation à Strasbourg se sont transformées en un feu ardent et se sont déversées sur le papier. J’avais perdu mon calme et, en réalité, je manquais de confiance en moi. Je lisais frénétiquement les réponses de Cristina encore et encore, cherchant à découvrir, entre les lignes, bien plus que ce que ses mots exprimaient réellement. J’y voyais du mépris, du rejet et de la moquerie.
Ce n’est qu’une dizaine d’années plus tard, alors que je me replongeais dans ces échanges pour écrire cette autobiographie, que j’ai, à contrecœur et avec une grande douleur, relu nos anciens courriels. À ma grande surprise, j’ai découvert que dans les réponses assez brèves de Cristina, il y avait certains passages évidents dont je n’avais absolument aucun souvenir. Ces phrases, oubliées ou ignorées à l’époque, expliquaient pourtant de manière tout à fait logique les quelques mots qui m’avaient tant blessé.
3.6.5
Le jour même du départ du couple d’AQUITAIN, j’ai écrit un premier e-mail à Cristina, lui disant que j’avais acheté un cadeau d’anniversaire pour elle et que j’aimerais avoir son adresse pour pouvoir le lui envoyer. Cristina ne m’a répondu que deux jours plus tard, m’informant qu’elle venait de rentrer chez ses parents à Madrid et qu’elle se concentrait sur la rédaction de son rapport de stage. Dans sa réponse, elle m’a donné l’adresse de ses parents.
Aussitôt, j’ai acheté un billet aller-retour EasyJet pour le deuxième week-end entre Madrid et Lyon, et je lui ai envoyé le lien pour récupérer le billet, en précisant que celui-ci était très bon marché et que si ses disponibilités ne correspondaient pas, ce n’était pas grave qu’il soit perdu. Cristina m’a répondu immédiatement, disant que j’étais fou et que mon geste l’avait prise au dépourvu. Elle a ajouté qu’elle ne pourrait probablement pas accepter mon cadeau, car son visa pour retourner en France n’avait pas encore été délivré. En outre, n’étant pas de nationalité espagnole, elle ne pourrait pas revenir en Espagne une fois entrée en France.
Je n’ai absolument rien compris à son explication concernant le visa. Depuis mon arrivée en France, je ne faisais que renouveler mon titre de séjour année après année, et tant qu’il était valide, je circulais librement, que ce soit pour rentrer en Chine ou voyager dans l’Union européenne. J’avais depuis longtemps oublié comment fonctionnaient les visas. Tout ce que j’ai retenu de son e-mail, c’était qu’elle m’avait traité de fou et qu’elle avait rejeté mon geste. Ces quelques mots m’ont plongé dans un état de frénésie. Le sentiment d’humiliation que j’avais connu autrefois, lorsque des rumeurs malveillantes m’avaient accusé d’être un menteur, détruit ma réputation, provoqué ma séparation avec Cristina et mon isolement de tous mes anciens camarades de prépa, m’a submergé comme un raz-de-marée, au moment même où nous avions enfin repris contact et devions aborder pour la première fois les préjugés qu’elle avait développés contre moi à cause de ces rumeurs.
Tellement accablé par ces mots, je n’ai même pas remarqué qu’elle avait écrit dans la deuxième phrase de son e-mail : « Je suis très contente de recevoir ton cadeau. » Et l’expression “m’envoies une telle surprise”, que j’avais interprétée comme signifiant « me prendre au dépourvu », voulait probablement dire « me faire une belle surprise ».
Quoi qu’il en soit, j’ai amplifié à l’excès la phrase où elle disait qu’elle était « un peu contrariée que j’aie dépensé de l’argent sans en discuter avec elle au préalable », et j’en suis venu à croire, avec tristesse, que l’envoi du billet, comme Alex l’avait prédit, l’avait irritée et avait irrémédiablement détruit notre amitié que nous venions tout juste de reconstruire.
3.6.6
Je ne pouvais plus, comme je l’avais fait deux ans auparavant à Strasbourg, accepter la rupture de notre amitié sans explication, avec le flegme d’un gentleman. Cette expérience m’avait en effet appris qu’abandonner aux autres le droit d’interpréter mes intentions était dangereux : ils ne manquaient jamais d’en faire la pire interprétation possible, ce qui ne faisait qu’aggraver ma réputation. Lorsqu’on a repris contact il y a à peine six mois, Cristina venait justement de me demander de lui promettre de maintenir le dialogue entre nous en toutes circonstances et de ne jamais couper le contact de manière arbitraire.
Le lendemain, perdu dans mes pensées, je lui ai rédigé un message au bureau avec un ton extrêmement humble, implorant qu’elle ne me tienne pas rigueur de mon impulsivité. Je lui ai demandé de croire en mon honnêteté et de me donner une chance de m’expliquer. Je lui ai dit que je l’appellerais sur Skype à 20 heures pour discuter de la manière dont nous pourrions résoudre cette crise soudaine entre nous.
Dans sa réponse concise, Cristina m’a simplement demandé si les dates du billet pouvaient être modifiées. Elle a ajouté que, si c’était possible, elle pourrait éventuellement prendre un vol pour Lyon le 31 octobre, puis se rendre à Strasbourg en train, bien que cela l’empêcherait d’emporter suffisamment de bagages pour le reste de l’année. J’ai vérifié et découvert qu’EasyJet ne permettait pas de modifier les billets, mais j’ai décidé d’acheter un nouveau billet et de lui mentir en prétendant qu’il s’agissait du même billet avec une date modifiée.
Dans le deuxième e-mail que je lui ai écrit ce jour-là, je l’ai suppliée de ne pas rejeter si facilement mon geste. Je lui ai demandé d’écouter mes raisons et de comprendre le contexte et la détresse qui m’avaient poussé à agir ainsi. Cependant, à 20 heures, lorsque j’ai tenté de l’appeler sur Skype, elle n’a pas répondu. Frustré, je lui ai alors écrit un e-mail virulent, la sommant de me dire franchement si elle me méprisait, si elle ne voulait pas venir à Lyon ou si elle me considérait comme malhonnête. Je lui ai demandé de ne pas cacher ses doutes comme tout le monde le fait, les autres, mais de les exprimer clairement afin que nous puissions les confronter. J’avais prévu de lui écrire un message encore plus sévère, mais mon élan a été interrompu par un appel Skype inattendu d’Alex.
3.6.7
Ma dernière lettre, manifestement, avait irrité Cristina. Dans sa réponse, elle m’a demandé d’arrêter de me faire des idées. Elle a écrit que notre amitié n’était pas assez profonde pour qu’elle se sente à l’aise d’accepter ce billet d’avion. Elle m’a même menacé en disant que si quelqu’un d’autre avait agi de la même manière à son égard, elle n’aurait pas été aussi polie.
J’ai transféré ce message à Alex pour qu’il le lise. Alex, avec tristesse, m’a dit que les choses évoluaient exactement comme il l’avait prévu, dans une direction incontrôlable. Il m’a reproché de ne pas avoir suivi son conseil et d’avoir tenté, à un moment inapproprié, de prouver mon innocence à Cristina.
« Cristina a été très claire, » m’a dit Alex. « Ton amitié avec elle n’est pas aussi forte que tu le crois. Ton invitation à venir à Lyon, bien que bien intentionnée, a perturbé son quotidien. Et à travers son attitude, tu peux également deviner ce que d’autres personnes à Strasbourg pourraient penser de toi. »
Avec compassion, Alex a ajouté : « Je suis vraiment désolé pour toi. Le fait que tu étais exclu du cercle des anciens camarades de prépa et que tu ne les avais pas revus depuis longtemps fait que tu ignores leur situation actuelle. Cela peut facilement te conduire à faire, sans le vouloir, des gestes mal perçus, qui dérangent leur vie. Cela risque de provoquer des reproches collectifs contre toi et de te mettre dans une position encore plus délicate. Si tu veux réintégrer le cercle social de Strasbourg, tu devras avancer avec une prudence extrême, comme si tu marchais sur des œufs. »
3.6.8
Le troisième jour, j’ai envoyé à Cristina une courte lettre pour m’excuser d’avoir perdu la raison. Je lui ai expliqué que les événements passés m’avaient de plus en plus désorienté et que je voulais savoir ce que les autres pensaient réellement de moi. J’avais besoin de ces informations pour comprendre comment interagir avec eux à l’avenir, notamment dans le cadre professionnel. Seules des personnes comme elle, qui étaient des observatrices extérieures, pouvaient me donner ces réponses. J’ai exprimé mes regrets d’avoir perturbé sa vie à cause de mes propres préoccupations.
Cristina m’a répondu en me disant de ne pas trop m’inquiéter. Nous avons échangé quatre e-mails pour convenir de l’itinéraire : comment elle viendrait de Madrid à Lyon le dernier samedi d’octobre et repartirait de Lyon pour Strasbourg le dimanche matin.
3.6.9
Quelques jours plus tard, Cristina m’a envoyé un nouvel e-mail où elle décrivait ses journées à Madrid, occupée à rédiger son rapport de stage. Elle m’a dit être contente d’apprendre que j’avais pu changer le billet gratuitement, sans perdre d’argent. Elle racontait que Madrid était sous une pluie incessante, les nuages lourds et sombres semblaient éternels, et sur le visage des passants pressés, on lisait une inquiétude et une tristesse profondes face à l’avenir. Elle pensait à moi, espérait que tout se passe bien pour mon stage, et me remerciait de lui offrir l’occasion de visiter la ville de Lyon.
Cet e-mail était pour moi comme un rayon de soleil perçant à travers les nuages, baignant mon cœur, jusque-là ballotté par les vents de la tempête, de chaleur et d’espoir. À tel point que les innombrables événements qui secouaient le monde – les plans de sauvetage de l’UE vertigineux, la fiévreuse élection présidentielle américaine, ou encore la stupéfiante faillite nationale de l’Islande – semblaient moins importants que les quelques mots d’attention de Cristina à mon égard.
Vanessa m’a demandé pourquoi j’étais si heureux, avec un sourire éclatant de lumière. Je lui ai montré l’e-mail de Cristina et lui ai confié que Cristina était d’une pureté telle que je ne pouvais supporter l’idée qu’elle voyage entassée avec d’autres dans la navette de l’aéroport, subissant près de trois heures de trajet pour rejoindre le domaine AQUITAIN. D’autant plus que je n’avais que vingt-quatre heures à passer avec elle, et perdre trois heures en chemin aurait été un immense gâchis.
Vanessa, qui habitait dans le village de Piedmont, situé au pied du mont des Saints, m’a proposé de me conduire en voiture à l’aéroport pour aller chercher Cristina ce jour-là.
Je voulais que Cristina voie qu’à des moments importants, mes collègues étaient prêts à m’aider – un privilège souvent réservé aux gens honnêtes – et j’ai accepté avec joie la proposition de Vanessa. Je lui ai ensuite demandé quel cadeau offrir à Cristina. Avec un regard empli de tendresse et un sourire complice, Vanessa m’a répondu avec enthousiasme :
« Le petit Alex, toujours si réfléchi, veut offrir à sa déesse un souvenir de Lyon. Rien ne pourrait mieux convenir que les papillotes. »
Vanessa m’a expliqué que les papillotes sont une spécialité traditionnelle lyonnaise. Même à Lyon, elles n’apparaissent qu’à l’approche de Noël, et dans les autres villes françaises, elles sont pratiquement introuvables. La venue de Cristina à Lyon coïncidant avec Halloween, les papillotes feraient tout juste leur apparition sur les étals à ce moment-là.
Ces chocolats aux amandes croustillants sont enveloppés dans un papier doré brillant, dont les extrémités, découpées en fines franges, évoquent les ailes d’un papillon éclatant. À l’intérieur de l’emballage, avec le chocolat, se trouvent un petit billet et une pochette en kraft contenant un pétard. Lorsqu’on tire sur les deux extrémités, le pétard explose avec un « pop » qui amuse beaucoup les enfants. Les billets portent des citations philosophiques ou des devinettes, dont les réponses sont imprimées à l’envers au bas du papier.
Vanessa m’a raconté qu’au XVIIIᵉ siècle, à Lyon, un jeune apprenti travaillait pour un maître chocolatier nommé Papillotin. Ce dernier, homme renommé pour son art délicat et son exigence, ignorait que son jeune employé était secrètement amoureux de sa fille.
Pour lui déclarer ses sentiments, le jeune homme écrivait des lettres d’amour sur de petits papiers, qu’il glissait dans des chocolats aux amandes soigneusement enveloppés de papier doré. Chaque chocolat devenait ainsi un messager discret de son cœur passionné. Grâce à ces attentions délicates, il finit par gagner le cœur de la jeune fille, et leur histoire d’amour fut couronnée de bonheur.
On raconte que ce geste romantique inspira Papillotin lui-même, qui décida de transformer ces petits papiers en une tradition, remplaçant les déclarations d’amour par des maximes et des énigmes, et créant ainsi ce que nous appelons aujourd’hui les papillotes.
Plus tard, alors que Vanessa me conduisait du village de Piedmont à l’aéroport pour accueillir Cristina, elle me confia qu’il existait en réalité deux versions de la légende des papillotes.
Dans la première, le jeune apprenti épouse la fille de Monsieur Papillotin, et leur histoire d’amour connaît une fin heureuse.
Mais dans la seconde version, Monsieur Papillotin découvre que son employé courtise sa fille et, furieux, le congédie immédiatement, interdisant tout contact entre eux. Monsieur Papillotin s’approprie alors l’idée ingénieuse de son apprenti et bâtit une fortune grâce à cette nouvelle forme de chocolat.
Quant au jeune homme, réduit à la pauvreté et rongé par la nostalgie de son amour perdu, il passe le reste de sa vie dans la mélancolie et le regret.