Cristina

Partie 3 – Évaluation sensorielle et analyse physico-chimique des après-shampooings

4.6.13

Thúy Lan m’installa à un bureau vacant dans le groupe des shampooings. Plus tard, de retour au laboratoire, elle m’appela pour une réunion afin de me présenter mon stage :

« Alex, on est quand même une entreprise de cosmétiques, il faut un minimum soigner ton apparence. Tu ne peux pas venir avec le combo short et sandales comme aujourd’hui. Regarde comment les autres s’habillent. On a des stagiaires trop sérieux qui viennent chaque jour en costume et cravate – bien sûr, on n’encourage pas ça non plus dans un laboratoire. Mais mets au moins des baskets, ce petit effort n’est pas difficile !» Elle commença directement par me taquiner, tout en entamant ses explications :

« L’Oréal est la troisième plus grande entreprise mondiale de produits d’hygiène après Procter & Gamble et Unilever, et la première dans le domaine des cosmétiques. Les produits de notre société se divisent en quatre grandes catégories, en fonction des canaux de distribution :

Les produits professionnels, vendus principalement aux salons de coiffure pour être utilisés par des coiffeurs professionnels, comme Kérastase ;

Les produits grand public, vendus dans les rayons des supermarchés, comme L’Oréal Paris, Garnier ou Maybelline ;

Les produits actifs, principalement des soins pour la peau vendus en pharmacie, comme Biotherm, Vichy, La Roche-Posay et Kiehl’s ;

Et les produits de luxe, vendus dans les grands magasins, les chaînes spécialisées en cosmétiques ou les boutiques duty-free des aéroports, comme Helena Rubinstein et Lancôme, auxquels s’ajoute cette année Yves Saint Laurent.

Nos concurrents dans la catégorie grand public sont des géants comme Procter & Gamble, Unilever, Henkel avec Schwarzkopf, ou encore Shiseido au Japon. Tu dois déjà bien les connaître, n’est-ce pas ?»

Je répondis : « Je n’en ai jamais entendu parler. »

Thúy Lan ouvrit de grands yeux ronds comme des soucoupes : « Tu ne regardes pas la télé, tu ne vois pas les pubs ? »

Je rétorquai : « Je n’ai pas de télé chez moi. »

Thúy Lan, à la fois amusée et exaspérée, poursuivit :

« Quand nous lançons des produits cosmétiques dans un pays, ils doivent s’adapter aux types de cheveux, à l’environnement et aux habitudes de vie des populations locales. L’Oréal prévoit de lancer des après-shampooings sur le marché chinois. En étudiant ceux de nos concurrents sur ce marché, nous avons constaté qu’ils présentent tous une propriété particulière que leurs produits ne montrent ni sur le marché américain ni sur le marché européen.

Nous appelons cette propriété “X-sens”. Ta mission est d’utiliser des méthodes d’analyse physico-chimiques pour comprendre pourquoi cette X-sens se manifeste et pourquoi les produits destinés au marché chinois nécessitent cette caractéristique. Ces recherches fourniront des bases théoriques pour les futurs après-shampooings que L’Oréal compte introduire en Chine. Allez, viens, on va te montrer ce qu’on appelle la X-sens. »

4.6.14

Elle sortit une vingtaine d’après-shampooings de marques différentes, vendus dans divers pays, et m’emmena au grand salon de coiffure situé au rez-de-chaussée. Là-bas, un coiffeur me conduisit vers un fauteuil de coiffure où était assise une femme. Le coiffeur lui lava les cheveux, puis divisa sa chevelure en deux parties : sur un côté, il appliqua un après-shampooing de L’Oréal, et sur l’autre, un des produits apportés par Thúy Lan.

« Vous pouvez sentir la différence entre les deux côtés. Allez, touchez vous aussi », me dit le coiffeur. Toucher le corps d’une femme inconnue me rendait nerveux, comme si je l’avais offensée. Je marmonnai un petit « désolé » en m’excusant, mais malgré mes efforts, je ne remarquai aucune différence. Le coiffeur sortit une fiche d’évaluation sensorielle, avec différentes catégories à noter sur une échelle d’un à dix. Désemparé, je ne savais pas quoi faire.

Thúy Lan vint à mon secours : « Alex commence tout juste son stage, ses doigts ne sont sûrement pas aussi sensibles que les tiens. Remplis la fiche toi-même. » Le coiffeur sourit et attribua une note à chaque critère. Il répéta l’exercice avec chacun des vingt produits que Thúy Lan avait apportés.

Je chuchotai à Thúy Lan : « Pourquoi cette femme se laisse-t-elle manipuler les cheveux sans se plaindre ? »

Thúy Lan sourit et répondit : « Ce sont des volontaires. Après le test sensoriel, nos coiffeurs leur offrent gratuitement une coiffure avec nos meilleurs produits, comme compensation. »

Je continuai à murmurer : « Je cherche justement un endroit où me faire couper les cheveux à Paris. Si une telle opportunité se présente, je veux bien être volontaire moi aussi. »

Thúy Lan leva les yeux au ciel et dit : « Tes cheveux sont tellement raides et durs, ça n’a rien à voir avec les cheveux des Européens… Attends qu’un de nos collègues invente un produit spécialement conçu pour les Asiatiques, et on verra ! »

4.6.15

« Alex, qu’est-ce que tu fais ici ? »

Je me retournai pour voir Stéphanie, la copine française de Zhou Qiqi, accompagnée d’une autre stagiaire que j’avais déjà vue à midi, Alice.

« Je pensais que toi et Xiaonan faisiez partie du groupe d’analyse physique. Je ne m’attendais pas à te voir au département d’évaluation sensorielle. »

Thúy Lan répondit à ma place :

« La mission d’Alex consiste en une analyse physico-chimique, mais la première étape de son travail commence par l’évaluation sensorielle. »

Je demandai :

« Vous n’êtes pas dans les bureaux situés dans l’autre quartier ? »

Stéphanie répondit :

« Notre département d’évaluation envoie des échantillons gratuits à des volontaires qui nous retournent des questionnaires après les avoir utilisés. Alice est une experte en analyse de données et elle est capable de déceler des tendances dans un chaos de chiffres. Je suis venue lui remettre les retours des questionnaires. »

Je demandai alors :

« Vous pourriez m’envoyer des échantillons gratuits ? »

Stéphanie éclata de rire et répondit :

« Au troisième étage, vous avez souvent des échantillons dans le couloir. Ils sont dans de grandes boîtes en carton et tout le monde peut se servir. Tu es vraiment bien placé pour en profiter, alors pourquoi tu viens me demander ça ? »

4.6.16

La remarque de Thúy Lan sur la qualité des cheveux me trottait dans la tête et dès le lendemain au travail, j’ai demandé à Fabien de ce sujet. Il m’a dit qu’il y avait une petite bibliothèque chez L’Oréal où je pourrais chercher des informations par moi-même. Alors, j’ai commencé à demander à chaque personne que je croisais dans le couloir où se trouvait cette bibliothèque. En suivant les indications, j’ai finalement trouvé la petite bibliothèque dans un coin du bâtiment A. J’y ai effectivement trouvé des livres parlant des trois types de cheveux de base : caucasien, asiatique et africain, ainsi que des explications sur la structure des cheveux. Je venais à peine de commencer à lire quelques lignes lorsque Thúy Lan est entrée précipitamment dans la bibliothèque en disant : “Je te cherche partout, notre réunion avec Frank va commencer. Pourquoi tout le monde était au courant que tu étais ici, sauf moi, ton maître de stage officielle ?” Je l’ai suivie jusqu’au troisième étage, en demandant avec un sourire malicieux : “Alors, qui vais-je rencontrer aujourd’hui ?” Thúy Lan , un peu irritée, a répondu : “Ce n’est pas la peine, ce matin, la moitié du bâtiment B ne parlait que de toi. Tu as réussi à devenir le stagiaire le plus célèbre de L’Oréal ces dix dernières années en seulement une journée !”

Frank a tracé des schémas sur le tableau de la salle de réunion, puis a expliqué :  “Nous avons analysé au microscope les après-shampooings de différentes entreprises, et avons constaté que chaque entreprise possède son propre style de structure microscopique. Cela est dû au fait qu’elles adoptent différents processus dans la fabrication de leurs après-shampooings. Ainsi, si vous touchez les après-shampooings d’une même marque, vous constaterez que la texture est similaire, quel que soit le pays de vente. En revanche, la texture des produits varie grandement d’une entreprise à l’autre. Cependant, lorsque nous appliquons ces produits sur les cheveux, nous remarquons que tous les produits destinés au marché chinois produisent le phénomène de ‘X-sens’, tandis que ce n’est pas le cas pour ceux vendus dans d’autres pays. Cela devient fascinant car cela suggère que des produits avec des structures microscopiques différentes, lorsqu’appliqués sur les cheveux, produisent le même effet sensoriel par différents principes physiques. Nous devons comprendre ce qui se passe exactement lors de l’application de l’après-shampooing. Il faut se rappeler que lorsqu’on utilise un après-shampooing, les cheveux, juste lavés à l’eau chaude, sont à une température plus élevée que la température ambiante, et l’eau dans les cheveux va diluer l’après-shampooing, tandis que le frottement crée une force de cisaillement. Alex, tu devrais établir un modèle expérimental pour calculer les influences de ces paramètres afin que nous puissions reproduire en laboratoire les conditions réelles lors d’utilisation.” Thúy Lan  interrogea : ” Ces changements environnementaux ont-ils un grand impact ?” Frank a répondu : “Un impact énorme. Dans l’après-shampooing, que ce soit les cristaux du corps gras ou les gouttelettes de silicone, tous sont très sensibles aux variations de température et de concentration.”

Frank a élaboré un modèle pour moi afin que je puisse mesurer les paramètres. J’ai donc pris une tête féminine en silicone avec des cheveux, je l’ai arrosée d’eau chaude puis appliqué de l’après-shampooing avant de frotter vigoureusement. Les cheveux de la tête en silicone étaient tellement emmêlés qu’ils étaient devenus impossibles à démêler. Je me suis plaint : “L’après-shampooing est censé faciliter le démêlage, non ? Je ne vois pas son utilité ici.” Nadia, qui était à côté, ne pouvait plus regarder sans intervenir et a dit : “Alex, on ne peut pas laver les cheveux d’une fille comme ceux d’un garçon, en les frottant n’importe comment. Laisse-moi te montrer comment les filles se lavent les cheveux.” Elle a incliné sa tête sur le côté, laissant ses longs cheveux couler comme une cascade : “Je prends juste un peu de shampooing et d’après-shampooing, je les applique délicatement des racines jusqu’aux pointes, en massant doucement. Il ne faut surtout pas gratter et faire des nœuds, sinon même Dieu ne pourrait pas t’aider. ” Alors que je tentais de démêler les cheveux de la tête en silicone, je répliquai : ‘‘Ma mère n’a jamais utilisé d’après-shampooing, je ne savais même pas que ça existait avant aujourd’hui. Avec ta méthode douce, évidemment que ça ne s’emmêle pas. Mais même sans ta méthode, je n’ai jamais vu ma mère avoir des problèmes pour se peigner.’’ Nadia a expliqué avec patience : “Vous les Asiatiques avez des cheveux naturellement lisses et brillants, qui graissent facilement et sont faciles à gérer. Mais regarde mes cheveux bouclés, ils s’entremêlent chaque matin. Sans après-shampooing, si je passe un peigne, je pourrais arracher la moitié de mon cuir chevelu. Parfois, nous oublions que nous avons de la chance d’avoir ce que d’autres n’ont pas, et donc nous ne comprenons pas leurs actions.” Je l’ai remerciée avec un sourire pour ses conseils précieux et je m’apprêtais à refaire l’expérience selon ses indications quand elle m’a interrompu en disant : “Attends, Tu dois recréer entièrement la scène d’utilisation de l’après-shampooing, tu dois d’abord laver les cheveux.” Elle a sorti un flacon en plastique blanc : “Voici un ‘shampooing de base’, les shampooings du marché contiennent souvent des agents conditionneurs qui pourraient affecter tes résultats expérimentaux. Utilise ce shampooing.” Puis elle a pris un pot en verre rempli de poudre blanche : “Ceci est de la pellicule artificielle que j’ai synthétisée, elles ont les mêmes propriétés que les pellicules naturelles. Saupoudres-en un peu sur la tête en silicone.” Surpris, j’ai dit : “De la pellicule artificielle ? Ça existe donc !” Nadia a souri : ” C’est assez compliqué à fabriquer, utilise-le avec parcimonie. “

Je suis retourné à mon bureau, observant les vingt échantillons d’après-shampooings de différentes marques que Thúy Lan m’avait donné, y compris trois produits propres à L’Oréal, en me demandant : “Il y a deux marques de L’Oréal ici, ‘L’Oréal Paris’ et ‘Garnier’, quelle est la différence être elles ?”Fabien, entendant ma question, m’a répondu : “Je pense que Thúy Lan préférerait que tu te concentres sur la différence de leurs propriétés physico-chimiques plutôt que sur la marque.” J’ai alors demandé : “Fabien, quand tu formules pour les deux marques ‘L’Oréal Paris’ et ‘Garnier’, quelles sont les approches différentes que tu suis ?”Avec un sourire, Fabien a expliqué : “Quand je crée une formule, je ne pense pas à la marque pour laquelle je travaille. Tiens, regarde ma liste de projets.” Il a ouvert un fichier sur son ordinateur et m’a montré : “Regarde ce projet, je dois créer une formule très luxueuse avec les meilleurs ingrédients, pour obtenir un effet très spécial. Et regarde celui-ci, ici je dois élaborer une formule avec un excellent rapport qualité-prix, en gardant le coût des matières premières dans une certaine plage, tout en maintenant une qualité assez bonne du produit final. Atteindre le meilleur rapport qualité-prix est très difficile, nous avons des collègues qui se consacrent exclusivement à l’étude de la fabrication des bouteilles de shampooing pour minimiser la force de van der Waals entre le shampooing et la bouteille. Parce que les consommateurs qui prêtent attention au rapport qualité-prix ont tendance à ne pas commencer une nouvelle bouteille tant qu’il reste un peu de shampooing dans l’ancienne. Ainsi, le shampooing qu’ils utilisent se trouve excessivement dilué, ce qui n’est bénéfique ni pour leurs cheveux ni pour la réputation de notre entreprise. C’est pourquoi lors de la fabrication de nos bouteilles, les molécules à la surface du plastique sont spécialement traitées pour diminuer l’adhérence entre le shampooing et la bouteille, permettant ainsi de verser tout le produit facilement et d’éviter que les dernières gouttes restent collées à la bouteille, empêchant les consommateurs de passer à une nouvelle bouteille.”  

“Alors, pourquoi y a-t-il ‘L’Oréal Paris’ et ‘Garnier’, deux marques qui sont souvent placées au même endroit dans les supermarchés ?” demandai-je. Fabien répondit : “Je ne sais pas, c’est une décision du département marketing. Ils semblent avoir deux équipes différentes, chacune avec ses propres philosophies et valeurs de marque, ciblant des segments de clientèle distincts. Chaque année en novembre, notre laboratoire doit présenter nos nouvelles formules au département marketing, et les équipes de ces deux marques viennent chez nous pour choisir ce qui correspond à leur image pour ensuite les commercialiser sous leur label. Cela aboutit à ce que mes propres formules se retrouvent en compétition sur le marché. Avant cela, ces formules ne savent pas à quelle marque elles seront associées.” J’ai pointé du doigt une bouteille de ‘Kérastase’ enfermée dans une vitrine : “Le prix d’un ‘Kérastase’ est cinq à six fois supérieur à celui d’un ‘L’Oréal Paris’ ou ‘Garnier’. Quelle est leur différence ?” Fabien me questionna en retour : “Penses-tu qu’une Rolls-Royce et une Renault soient la même chose ?” J’ai répondu: “Je ne sais pas.” Fabien a dit: “Eh bien, la différence entre elles est similaire à celle entre Kérastase et L’Oréal Paris.” 

Fabien s’est montré très intéressé par les quelques après-shampooings que Thúy Lan  m’avait donnés, car il avait rarement l’occasion de voir des produits vendus à l’étranger. Avec ma accord, il a pressé un peu de produit sur le bout de ses doigts et l’a frotté attentivement : “Hmm, intéressant, très astucieux, une approche totalement différente de la nôtre, mais tout aussi valable. On peut vraiment ressentir comment les différents systèmes éducatifs de chaque pays influencent la manière de penser des scientifiques.” Puis il a grimacé : “Cependant, je n’apprécie pas cette tendance, ils ont abandonné certains principes, c’est trop axé sur la séduction des consommateurs.” Je ne comprenais pas ce qu’il voulait dire, alors il m’a montré la pâte au bout de ses doigts : “Regarde cette mousse. Il y a une croyance parmi les consommateurs qui dit que plus un shampooing mousse, plus il nettoie efficacement. En réalité, la quantité de mousse n’a rien à voir avec la capacité de nettoyage du shampooing. Mais pour produire beaucoup de mousse, il faut ajouter du soufre, et le soufre endommage les cheveux. Tu sais pourquoi je ‘déteste’ (il fit des guillemets avec ses doigts) les gars du deuxième et du quatrième étage ? Parce que les départements de coiffage et de coloration font toujours des choses qui abîment les cheveux, puis c’est à nous, le département de soin des cheveux, de réparer les dégâts. Ils ne se rendent pas compte que les plus beaux cheveux sont les cheveux naturels ! La beauté naturelle est la plus noble des beautés !”

Je posai une nouvelle question, mue par la curiosité : “Mais comment les produits de coiffage et les colorations abîment-ils les cheveux ?” Fabien ouvrit une image de la structure du cheveu sur une page web : “Regarde ici, la couche la plus externe des cheveux est constituée de cuticules. Pour que les produits de coiffage et les colorations puissent déposer leurs composants chimiques à l’intérieur du cheveu, ils doivent d’abord ouvrir ces cuticules. Après avoir introduit les substances chimiques, ils referment les cuticules. Ce processus d’ouverture et de fermeture entraîne souvent la perte de nombreuses cuticules, rendant la surface du cheveu rugueuse et irrégulière. Les colorations, qu’elles soient pour foncer ou éclaircir les cheveux, elles doivent décomposer le pigment naturel du cheveu, laissant des espaces vides là où se trouvait la mélanine. Les produits de coiffage, eux, doivent briser les liaisons disulfures qui maintiennent la structure du cheveu, afin de l’assouplir avant de reformer de nouvelles liaisons chimiques, rendant ainsi les cheveux extrêmement fragiles. Les après-shampooings créent une couche de silicone et de substances grasses sur l’épiderme du cheveu pour le rendre à nouveau lisse en surface.” Il regarda mes cheveux et les toucha, disant : “L’après-shampooing que tu utilises est plutôt impressionnant, non ? Il donne une sensation très naturelle au toucher. C’est quelle marque ?” Je répondis : “C’est juste une marque quelconque que j’ai achetée à Bordeaux, je ne me souviens plus laquelle. Je te dirai ça quand je serai rentré chez moi.” Fabien dit : “Très bien, je demanderai à l’équipe des après-shampooings d’acheter ce produit pour l’analyser, la technique semble vraiment excellente !” En réalité, avant ce jour-là, je ne connaissais même pas l’existence des après-shampooings. La semaine précédente, trop pris par mon déménagement, je n’avais pas eu le temps de me laver les cheveux, et ce que Fabien avait touché, c’était simplement le sébum de mes cheveux.

Dorice m’a soudainement appelé pour demander comment je trouve ma nouvelle vie parisienne. Je lui ai partagé avec enthousiasme les péripéties des deux derniers jours : “Dorice, quelle marque d’après-shampooing utilises-tu ?” J’ai entendu son rire clair et chaleureux à travers le téléphone : “Je n’utilise pas d’après-shampooing, mes cheveux sont bien trop complexes pour ça. Je les trempe généreusement dans l’huile d’olive, puis après les avoir ramollis, je les rince et les lisse petit à petit, ce rituel me prend deux heures. Et puis j’attends le plus longtemps possible avant de les laver à nouveau, car à chaque lavage, ils se remettent à friser de manière incontrôlable. Alex, prendre soin de ses cheveux quand on est une femme noire, c’est vraiment un travail dur. Si tu pouvais inventer un après-shampooing spécialement pour les cheveux afro chez L’Oréal, ce serait formidable. ” C’est à ce moment-là que j’ai commencé à comprendre à quel point j’étais chanceux d’être asiatique. Même aujourd’hui, je me rappelle souvent des paroles de Nadia : “Parfois, on oublie qu’on a de la chance d’avoir ce que d’autres n’ont pas, et c’est pourquoi on ne comprend pas leurs actions.”