- Présentation générale du contenu :
Ce dernier tome clôt mon récit avec ma septième année en France, de février 2011 à février 2012. On sent que la fin de la jeunesse approche : les amis intimes d’autrefois perdent contact les uns après les autres, chacun absorbé par la construction de sa propre petite famille, certains s’occupant déjà de la nouvelle génération. En pénétrant dans l’univers professionnel, la vie entrerait dans un nouveau cycle adulte. On se questionne sur nos identités, notre rôle et notre positionnement dans la société, avec beaucoup de doutes et de réflexions sur l’avenir. Solitude et épuisement s’entremêlent ; dans ce voyage de l’existence, même les souvenirs précieux de l’amitié pure et belle d’antan sont déformés et souillés par l’incompréhension, les ragots et les sarcasmes de ceux qui ont perdu la capacité de rêver. L’Éden du cœur est arraché, ne laissant qu’un vide béant.
Dans ce tome, les bouleversements mondiaux — que ce soit le Printemps arabe, la guerre en Libye, la crise nucléaire iranienne ou le tsunami au Japon — affectent profondément la vie quotidienne de mon entourage, modifiant leurs trajectoires et la mienne. Chaque petit destin individuel demeure indissociable du cours de l’Histoire, nul ne peut y échapper.
- Couleur thématique et origine du nom
La couleur thématique de ce tome est le blanc-gris, semblable au grésillement neigeux d’un vieil écran de télévision sans signal. Le monde spirituel des jeunes gens est riche et coloré. Mais lorsque la jeunesse s’éteint, l’imagination foisonnante et l’inspiration infinie se flétrissent également, laissant place à une blancheur vide. Sous les apparences d’une vie matérielle brillante, il ne reste parfois qu’un grand vide intérieur. Le monde spirituel des adultes est blanc ou transparent, car les couleurs vives n’appartiennent qu’à la saison brève et ardente de la jeunesse.
Son nom, Le Vide, est directement inspiré du passage suivant, extrait du chapitre 12 du tome 4, intitulé Amies :
La faculté de médecine de l’Université Lyon 1, l’École Rockefeller, l’hôpital de Grange Blanche et le foyer de Montchat arborent tous des façades gris-blanc, tout comme les massifs immeubles qui bordent le boulevard des États-Unis, les gratte-ciels de Villeurbanne ou encore les bureaux du laboratoire de l’INSA.
Il y a six ans, porté par des rêves éclatants, je montais dans un avion avec mes camarades de l’Université du Shandong pour la France, prêt à découvrir un monde nouveau et à me lier d’amitié avec une foule de personnes fascinantes. Mais les années ont passé, et les amis d’autrefois inséparables, sont devenus des étrangers, parfois même des ennemis irréconciliables.
Lorsque je repense à ma sixième année en France, c’est une teinte gris-blanc froide et figée qui envahit mon esprit, une couleur de silence et de mort. Les couleurs éclatantes qui jadis donnaient vie à mon monde ont été effacées par le temps, noyées dans une mer de néant.
Je crois que ma perception des couleurs était un vestige d’un éveil subtil que j’avais apporté de l’enfance, une connexion intime avec l’univers, un éclat de pureté et de foi inébranlable en la beauté et en l’idéal. Et dans mon regard, Cristina en était autrefois l’incarnation parfaite de cette beauté et de cet idéal. Mais au fil des années, cette sensibilité délicate a été dévorée par le tumulte du monde. Cristina elle-même s’est brouillée, son visage devenant flou, presque étrangère, presque difforme et effrayante.
Les rêves flamboyants de la jeunesse, qui embrasaient l’avenir, n’étaient plus que de fragiles lueurs dans le vent, vacillant jusqu’à s’éteindre. Plus tard, lorsque j’ai cherché à me souvenir de ma septième année, puis des suivantes, plus rien ne portait de couleur. Mon âme et mon énergie s’étaient évanouies. Ce qui restait de moi n’était qu’une coquille vide.
Je me suis efforcé de me convaincre que peut-être, dans le monde adulte, chaque être que je croisais n’était, en réalité, qu’une coquille vide.
-Ce passage est extrait du tome 4, chapitre 12, intitulé Amies